Media : Mamadou Zangbé,un des pionniers du journalisme d’investigation est décédé

Partager

Revenu de la Cote d’ivoire en 2015  après 31 ans d’exil, Mamadou Zangbé Ouédraogo , fondateur du journal privé le « Soleil de Haute-Volta » est décédé le mercredi 17 janvier 2024 à l’âge de 81 ans . A son retour au Burkina Faso , il a passé le reste de sa vie dans sa quartier natal ,  Kolkom de Ouahigouya . 

Instituteur , journaliste, directeur de publication , Mamadou Zangbé Ouédraogo , revenu d’exil  est resté attaché  aux  débats et au partage d’idées  malgré le poids de l’âge . Pour peu que vous  lui consacrez un petit temps  , il vous dépeint toute l’histoire politique du Burkina avec ses péripéties . Les gênes « Yadéga » bien chevillés aux os , il ne portait pas de gants pour vous cracher ses vérités .  Passionné de journalisme , Zangbé Mamadou  ne se dérobait  nullement de  ses accointances politiques . 

il avait un profond attachement pour l’honneur et la vérité

Parlant de la révolution de Thomas Sankara , il affirmait dans une interview accordée au journal le Pays en 2015 « Ce fut un avénement exaltant , un moment de fierté nationale. Vous savez , autant je faisais du journalisme, autant je faisais la politique. Quand Thomas Sankara a été arrêté le 17 mai et placé en résidence surveillée , il m’a demandé de venir le voir. J’y suis allé et c’est alors qu’il m’a demandé de lui dire si j’étais avec lui ou contre lui. Ainsi posée, cette question était embarrassante. J’ai alors répondu par l’affirmative . Pour moi , la révolution était venue pour changer les mentalités tout en respectant la dignité du peuple burkinabé.Le 05 aout 1983, je faisais partie des marcheurs qui ont parcouru les artères de la ville de Ouagadougou pour saluer l’avènement de la révolution » .

Mais La complicité   entre le journaliste d’investigation et les porteurs de la révolution n’a pas fait long feu . « Au fur et à mesure que le temps passait , j’ai compris qu’elle était une duperie » s’offusquait-il .  Par la suite,  l’animosité  était si poussée au point que celui que le père de la révolution avait  proposé  le poste du ministre de la communication  craignait pour sa vie .  «  D’abord on a tenté d’attenter à ma vie. Par tous les moyens , on a cherché à me tuer parce qu’on me prenait pour un réactionnaire . Même mystiquement, on a tenté de m’éliminer . J’ai alors  quitté le pays en décembre 1984, et en janvier 1985, j’étais en Cote d’ivoire . Je n’étais pas le seul , car d’autres exilés politiques avaient également rejoint Abidjan . Comme nous nous sommes  retrouvés en Cote d’ivoire , des personnes ont fait croire que nous sommes hébergés par un de nos compatriotes , Valentin kinda . Ce qui n’était pas vrai . Malheureusement , il a été tué sauvagement » rappelait –t-il . 

Zangbé Mamadou s’affichait comme un homme qui ne supportait pas l’injustice .  « Je suis entré dans l’administration publique à travers l’enseignement, mais j’avais une passion pour le journalisme. Je suivais alors les cours par correspondance .Mon épouse était également fonctionnaire de l’État et tout est parti de son affectation que j’avais jugée injuste et inappropriée . C’est la raison principale qui a motivé ma démission pour créer le Soleil de Haute-Volta » expliquait-t-il .  

La mort tragique du commandant Moumini Ouédraogo a été un de ses sujets d’investigation , qui lui a valu un procès et une condamnation . Il revient sur ce sujet en ces termes .   «J’ai particulièrement enquêté sur l’affaire du commandant Moumini Ouédraogo, mort tragiquement. Dans mes enquêtes, j’ai découvert que Moumini Ouédraogo a été assassiné et que sa mort n’était pas accidentelle. Dans cette affaire, j’ai même été condamné à un franc symbolique ». il revient sur un autre article qui a provoqué l’ire du régime de l’époque. « J’ai également écrit sur la France et cela n’a pas plu au régime de Sangoulé Lamizana. Gérard Kango Ouédraogo , qui était le Premier ministre, m’a appelé dans son bureau et a commencé à me dire que je voulais créer des problèmes à la Haute-Volta. Puis, il a cherché à me corrompre avec un chèque de 5 millions de CFA. Dans les années 70, vous imaginez que ce n’était pas petit ! Mais j’ai froissé le chèque et l’ai jeté sous les yeux de Gérard et de l’Ambassadeur de France . Cela , pour dire que nos journalistes doivent être honnêtes , dignes et intègres . Il faut accepter de dire la vérité et dormir le ventre creux » .

Des déboires , il n’en finissait pas d’énumérer. « J’ai été arrêté parce que j’ai pris part à un colloque en Corée du Sud.Vous savez que c’était la bataille de charme entre les deux Corées. Cette rencontre avait réuni prés de 200 personnes venues des 4 coins du monde. Nous étions deux Africains dont un Sénegalais et moi. C’était pour réfléchir pour le développement » . Mamadou Zangbé Ouédraogo avait conscience des risques du métier dont il nourrissait une profonde passion . « Il n’y a pas deux façons de pratiquer le journalisme. Tout bon journaliste doit d’abord vérifier les informations collectées, faire preuve de rigueur professionnelle en refusant la corruption, quelle qu’elle soit. La spécificité de mon journal est qu’il avait opté pour le journalisme d’investigation. Ce type de journalisme comporte beaucoup de risques pour son pratiquant. »  .

Mamadou Zangbé a été enterré le mercredi 17 janvier 2024 aux cimetières , route de Youba à Ouahigouya

N’appréciant pas les régimes militaires, il aurait juré depuis Abidjan qu’il ne rentrera pas au Burkina tant que ce sont des militaires qui gouvernent . « Je n’aime pas trop les militaires . Pour moi , leur place se trouve dans les casernes. Vous savez, quand on se bagarre entre civils, il n’y a pas de problèmes . Mais quand les militaires entre dans la danse, tout se gâte. Je dis simplement que depuis 1966 , notre pays est gouverné par les militaires et cela est anormal pour un pays  qui se veut démocratique. » prévenait-t-il . Mais curieusement , quand il revenait de son exil, c’est Yacouba Izac Zida qui était assurait la présidence de la transition  avant de la passer à Michel Kafando . Ironie du sort également , l’enfant de Kolkom part pour son repos éternel au moment où à la tête de l’État s’est hissé  un jeune capitaine qu’on présente comme l’héritier de  celui avec qui il a eu des bisbilles .

Parents , amis , fils et connaissances sont sortis l’illustre journaliste d’investigation dans sa dernière demeure

Par-dessus –tout , un de ses engagements qui lui était cher et qu’il n’a pas pu tenir  , c’était de ressusciter son journal le « Soleil de Haute-Volta »  . «  je suis de retour et « Le Soleil de Haute Volta » va renaître de ses cendres pour devenir « Le Soleil du Faso ». avait –t-il annoncé. Comme qui dirait, l’homme propose et Dieu dispose . Zangbo Mamadou a cassé sa plume et il se repose désormais sous l’ombre  des rayons de son « Soleil » aux cimetières , route de Youba à Ouahigouya .

Faso nord info


Partager
fniadmin

fniadmin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *