Paix et vivre ensemble au Burkina Faso  : appel à ressusciter et à valoriser les mécanismes traditionnels de sécurisation

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organisateurs et grands invités à ce forum

« Préalables pour un dialogue communautaire : les éléments à prendre en compte ».  C’est l’intitulé d’une communication développée par le président du Laboratoire Citoyennetés, Raogo Antoine Sawadogo à l’occasion du forum régional du Nord sur le dialogue communautaire organisé par l’association Dialogues sans Frontières le vendredi 19 mai 2023 à Yako capitale de la province du Passoré dans la région du Nord, du Burkina Faso.

LE PR2SIDENT DU LABORATOIRE CITOYENNETÉS , RAOGO ANTOINE SAWADOGO A PRÉSENTÉ UNE COMMUNICATION INTITULE . PRÉALABLE POUR UN DIALOGUE COMMUNAUTAIRE , LES ELEMENTS A PRENDRE EN COMPTE

Abordant les questions de sécurité sous l’angle des sociétés traditionnelles, le président du Laboratoire Citoyennetés, Raogo Antoine Sawadogo  a présenté  sa communication autour des points suivants : les types de sécurité, les mécanismes de sécurisation dans les sociétés traditionnelles, l’effondrement de ces mécanismes, les sources de l’insécurité et la naissance d’une citoyenneté anti-état.

Il relève les types de sécurité en décrivant la sécurité matérielle comme être à mesure de se loger, s’habiller, se nourrir, se transporter, se soigner, s’éduquer etc. Il s’empresse de préciser  que ces biens ne garantissent  pas à l’individu d’être en paix avec soi-même et avec autrui. « L’individu n’étant pas qu’un bloc de matière, il ne saurait être satisfait uniquement de ces biens » argumente-t-il.

Poursuivant sa communication, il déclare  que la sécurité psychologique de l’individu correspond  la sécurité morale du collectif s’organisant autour de la fierté et de l’amour propre. Il fera remarquer que ce type de sécurité ne s’achète pas, mais se négocie et se cultive au quotidien. Pour Antoine Raogo Sawadogo , les conséquences de l’insécurité psychologique sont incalculables : suicide, assassinat, vengeances de toutes sortes qui peuvent traverser des générations. « Des conflits familiaux, lignagers, tribaux ont pour origine une insécurité psychologique essuyée par un ancêtre. Des foyers, des familles entières se désagrègent à son propos » soutient le communicateur.  Et de poursuivre «  L’héritage le plus ancien et qui ne vieillit pas  est la honte des ancêtres ou leur honneur.  Quand l’administration d’État décide de mettre sous gestion socio-économique commune des villages qui depuis des générations se détestent, il devient hasardeux de souhaiter un développement collectif. Toute intervention extérieure qui ignore ces conflits durables et prétend construire des infrastructures socio-économiques collectives court à l’échec. Celles-ci seront viables si elles intègrent le souci psychologique sécuritaire de la collectivité qui l’accueille. Les appellations des actions de développement doivent également tenir compte de cette dimension. Sinon elles seront considérées comme ‘ batardes’ et surtout comme des objets qui perpétuent des conflits entre parents et familles » soutient  le président du Laboratoire Citoyennetés. il déclare cependant que l’effacement de la honte n’a pas de prix. Cela débouche sur des alliances durables : dons de filles à marier, cessions plus ou moins définitives de terrains, tributs à payer annuellement, allégeance aveugle etc. …

Les participants ont accordé un grand intérêt aux différentes communications

Expliquant la sécurité spirituelle, il dira qu’elle relève du non-maitrisable (incertitude, doute, accident, imprévisible, piège) reversée dans l’insécurité spirituelle. « Traditionnellement, la spiritualité se referait à un Dieu unique transcendant mais reconnaissant l’existence de plusieurs petits dieux servant d’intermédiaires entre le premier et les hommes » rapporte-t-il tout en développant que  « Si la sécurité matérielle peut être  appréhendée par les cinq (5) sens de l’homme, si les autres se chargent de vous servir de mesure pour la sécurité psychologue, tel n’est pas le cas de la sécurité spirituelle. On a certainement besoin d’un sixième sens qui gouvernera la sécurité spirituelle ».  Prolixe sur le sujet, il laisse entendre que l’élite africaine en premier (décideurs administratifs et politiques), prêtres, imams, pasteurs font tout pour flirter tactiquement avec les deux spiritualités. L’empilement des religions traditionnelles et inspirées souligne-t-il avec force, brouillent les repères de spiritualité qui traditionnellement assurait une dimension importante de la sécurité.

Qu’en est-t-il des mécanismes de sécurisation dans les sociétés traditionnelles ?

Le présidium lors de la céremonie d’ouverture du forum

« La performance des mécanismes de régulation des rapports entre acteurs autour de la compétition sur le contrôle des ressources et la capacité actuelle à construire des ‘accords’ détermineront la sécurité dans la cité et son ‘apaisement »  introduit le communicateur fort de sa formation de linguiste et socio-politique. Arguant que les tensions autour du pouvoir nécessite de trouver un système de gestion et de régulation efficace, il énumère 6 systèmes de régulation en milieu traditionnel : la régulation de la coercition, la régulation du pouvoir économique, la régulation du pouvoir phallocratique, la régulation du pouvoir de l’âge (droit d’ainesse), la régulation du pouvoir occulte et la légitimation du pouvoir.

Il fait comprendre qu’en termes de régulation par la coercition,   l’utilisation de la violence était acceptée mais modulée en fonction de la faute. La sanction indique-t-il, va de simples amendes à la mort en passant par le bannissement ou la flagellation. La sanction est prononcée par l’instance appropriée présidée par le chef et exécutée par une autre instance dirigée aussi par un chef. Il existe une instance d’appel qui peut assouplir la sanction.

La régulation du pouvoir économique avance-t-il se manifeste sous forme d’échanges de biens et de services .Ce type de pouvoir prévient-il débouche sur l’individualisme, l’accumulation exagérée des richesses. Pour y remédier, la collectivité utilise des méthodes du genre la redistribution des richesses, l’octroi des offrandes aux esprits, l’investissement pour la progéniture et pour la pérennisation de son propre nom etc. …

De la régulation du pouvoir phallocratique , le président du Laboratoire Citoyennetés fait comprendre que si les sociétés de prévoyance avaient prévu des mécanismes de régulation du pouvoir des hommes, c’est qu’elles avaient conscience du tort fait aux femmes. Avec forts détails, il ajoute que  la société a fabriqué des interdits et des tabous pour protéger  la mysticité de la femme et son intégrité.

Afférent au pouvoir de l’âge (droit d’aînesse), il laisse entendre qu’en Afrique, le pouvoir de l’âge vient presque en tête de tous les pouvoirs. Il a une origine sacrée parce que c’est Dieu qui donne l’âge et qu’il faut être aimé de lui pour en bénéficier. Constatant que ce pouvoir peut amener à abuser des jeunes, des dispositifs sont mis en place pour limiter les travers. Ces boutades sont la preuve de la conviction des vieux que les jeunes sont l’avenir «  Qui ne cajole pas les jeunes se retrouve dans une maison délabrée ; l’âne met bas pour protéger son vieux dos ; mettre de l’eau sur la jeune plante parce que les parents en ont mis pour nous, etc. »

Quant à la régulation du pouvoir occulte, elle se décline à travers des personnes investies de ce pouvoir ayant la capacité de faire le bien et le mal à l’individu ou à la collectivité (soigneurs, voyants, sorciers). Leurs pouvoirs en fait des notables respectés, s’ils contribuent à sécuriser l’individu ou la collectivité. Ils sont par contre rejetés et bannis si par suite d’évènements mystérieux prévus ou souhaités par eux (maladie, mort, folie, calamités), la collectivité considère qu’ils sont à l’origine des malheurs. Bon au mauvais insiste-t-il, les détenteurs du pouvoir occulte  sont craints.  

Expliquant la légitimation du pouvoir, cet anthropologue bon teint affirme qu’un chef légitime, reconnu et respecté comme tel est un objet d’adoration, on l’entoure de tous les soins. Un pouvoir non légitime ne recueille pas une vraie adhésion et on ne l’aime pas. Le pouvoir légitime n’est ni foi aveugle, ni obéissance ou servitude sous la crainte ou la mystification, mais adhésion volontaire, respect profond, loyauté, engagement, disponibilité, envie de cheminer dans le sillage du pouvoir. Il sécurise plutôt que d’inspirer la peur. En résumé , l’expert en gouvernance locale déclare qu’en Afrique, un village est une entité constituée par l’organisation de la communauté villageoise bâtie à partir d’une forte vie communautaire dans laquelle on distingue une hiérarchisation à plusieurs  fondements se reposant sur la valeur personnelle de l’individu ; la richesse sans que cela ne s’apparente à un modèle capitaliste ; les croyances religieuses qui inspirent crainte, pouvoir et respect ; l’âge ou le droit d’aînesse ; les us et coutumes , ciment de la société traditionnelle et garants de l’identité culturelle ; le sexe qui se conjugue au masculin et la soumission au féminin .

Mécanismes de sécurisation en désuétude

Environ 300 PARTICIPANTS Y ÉTAIENT PRÉSENTS

Si ces mécanismes de sécurisation ont participé à l’instauration de la paix et à la régulation du vivre ensemble de par le passé, de nos jours, Raogo Antoine Sawadogo fait le constat de la déconfiture des règles et normes traditionnelles de la vie communautaire marquée par l’affaiblissement du pouvoir des chefs traditionnels suite à l’introduction de nouvelles religions (chrétiennes et ou musulmane) et surtout l’instauration d’une multitude de pouvoirs centraux et déconcentrés de l’état.

A ces travers, il ajoute la monétarisation des rapports sociaux, l’individualisation des rapports sociaux et l’éclatement des unités familiales et/ou lignages, l’empilement des normes(polico-administratifs, religieux, traditionnelles, magico-occulte) etc. « Noyées ou écartelées dans des espaces sociaux, eux aussi éclatés et devenus plus ouverts, les anciennes structures sociales (notamment les mécanismes de sécurisation) connaissent un grand délabrement , même dans les milieux réfractaires aux changements . Les solidarités familiales et lignages se sont érodées et les pouvoirs coutumiers sont contestés et très affaiblis » synthétise-t-il

Les autorités coutumières, massivement mobilisées

Évoquant les cases de sécurisation, l’ancien président de la commission nationale de la décentralisation que d’aucuns ont surnommé le catéchiste de la décentralisation  tire une conclusion en ces termes « On retient qu’il existe plusieurs forces qui concourent à la sécurisation. Le rôle de l’État et principalement de son organe chargé à cet effet est de reconnaitre que ces forces existent. Elles sont soit rampantes, dégénérescentes soit exacerbées, émergentes. Dans tous les cas, elles sont toutes agissantes. On gardera à l’esprit que la capacité de l’État à organiser une sorte de complémentarité ou une saine émulation entre ces forces dépendront la paix et la concorde sociale. ( ……..) . Il s’agira de renouer ou plus simplement de fonder la confiance entre l’État et les populations partout où elles vivent. Ce besoin est d’autant plus fondamental que l’État relève de l’ailleurs et souffre de traitements de méfiance et de rejet . Il est surtout connu que le local préoccupe les communautés à la base. Elles accordent de ce fait beaucoup plus d’importance aux affaires locales qu’à celles du national représenté par l’État et ses démembrements .Les mécanismes de sécurisation prennent comme point de départ la conservation, la production, la reproduction et la gestion des biens d’intérêt individuel et collectif centrés sur le local. C’est en cela que la décentralisation doit être prise comme une opportunité qui permet d’identifier les vraies affaires locales qu’on confiera aux collectivités » préconise  Raogo Sawadogo du haut de son titre d’expert en gouvernance locale. 

Des responsables du PNUD ont pris part à ce forum et ont apprécié cette mobilisation pour jeter les bases du dialogue communautaire

Cette communication a suscité des débats bien nourris au sein des participants. Partageant la même conviction que les mécanismes de sécurisation peuvent contribuer  à résorber la crise que traverse le pays des hommes intègres, de nombreux intervenant ont plaidé  que cet héritage du passé soit ressuscité, valorisé et mis à la connaissance des générations actuelles et futures. Pour Raogo Antoine Sawadogo l’appropriation de ces mécanismes de sécurisation traditionnelle par la majorité de la population passe par   leurs enseignements dans les instituts et grandes écoles  de formation. Il ne doute pas  que le Burkina Faso dispose de compétences en la matière.

L’ancien ministre de la culture et ancien Ambassadeur , Fiilippe Savadogo , président de Dialogue sans Frontières a remercié le PNUD et la Fondation HANNS SEIDEL pour leur accompagnement à ce forum , placé sous le haut patronage du ministre de l’Administration territoriale, de la Sécurité et de la Décentralisation , Colonel Boukaré Savadogo

En attendant, le président de l’Association Dialogue sans Frontière, l’ancien ministre de la Culture et ancien Ambassadeur Filippe Savadogo a annoncé une publication de cette communication tout comme les autres prononcées au cours de ce forum. Il a aussi traduit sa reconnaissance au PNUD et à la Fondation Hanns Seidel qui a accompagné l’organisation de ce forum ayant mobilisé environ 300 participants à la maison des jeunes et de la culture de Yako sous le haut patronage du ministre de l’Administration territoriale , de la sécurité et de la Décentralisation , le Colonel Boukaré Savadogo .

FASO NORD INFO   


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